Version Française English version
 Ses origines  |  Voyage aller  |  Journal de marche  |  Volontaires 1870  |  Prospection  |  Usines & industrie  |  Voyage au Canada  
Voyage aller (page 4)


Avant d'aller plus loin dans le récit de ces voyages relevons les réflexions que notre auteur réserve aux Anglais qu'il ne connaît pas encore mais avec lesquels, au cours de sa carrière, il aura à échanger surtout professionnellement puisqu'il était allé plusieurs fois aux États-Unis et encore plus souvent en Angleterre et qu'il parlait couramment la langue.

Il est intéressant de relever ce qu'il écrit à l'embarquement à Suez bourgade arabe appelée à un certain avenir "les Anglais en dehors d'études qui ont un but immédiatement pratique cherchent peu à approfondir le cercle de leurs connaissances; aussi seraient-il les gens les plus ennuyés du monde pendant une traversée qui les arrache subitement à toutes les occupations qui, à terre, remplissent leur existence si la nature prévoyante et sachant leur humeur voyageuse n'avait eu le soin de leur donner un estomac d'une puissance et d'une complaisance extrêmes. Que l'on en juge plutôt par la journée à bord d'un paquebot anglais : à 6 heures du matin un steward vous éveille en vous présentant du thé, de café et des biscuits, on saute hors du lit, on prend ce premier acompte puis on va dans une des salles de bains; pendant quelques minutes on se plonge dans une eau délicieusement fraîche qu'une pompe aspire dans la mer ; cela fait, on s'habille, on monte sur le pont que l'on arpente d'un mouvement régulier et en saluant ses connaissances d'un good morning que d'un shake-hand dont les Anglais ont seuls le secret.

Je n'ai jamais vu les meilleurs amis montrer sur leur visage la moindre expression bienveillante en s'adressant ce salut ; on croirait plutôt un mot d'ordre que se passent avec indifférence des soldats poussés par la consigne. Au reste, quand un anglais perd-il sa raideur? Dés le principe on pourrait croire qu'elle provient d'un sentiment d'orgueil personnel mais heureusement, et c'est la meilleure excuse de ce peuple, cette raideur est encore chez lui un don de la nature. Mais huit heures et demi sonnent et la cloche du maître d'hôtel s'agite et aussitôt indique aux promeneurs que le breakfast est prêt ; chacun regagne sa place devant une table chargée de mets qui nous sembleraient lourds et indigestes et que l'on fait disparaître avec une vitesse magique, le tout est arrosé de porter de pale-ale et de vin en quantité proportionnelle.

Néanmoins, bien que je n'aie jamais été un gourmet, il ne fut pas difficile de reconnaître d'abord que les Anglais sont en retard de plusieurs siècles en ce qui regarde cuisine et j'ai pu m'en convaincre non seulement à bord du packets et dans colonies mais en Angleterre même; s'ils sont habiles à bien préparer les quelques plats qu'ils connaissent, en revanche, la liste en est bientôt épuisée. À 10 heures, les derniers retardataires du breakfast montent sur le pont. À midi, la cloche du maître d'hôtel interrompt tous les jeux. Si vous vous en souvenez c'est déjà le troisième repas; il est vrai qu'il ne se compose que des pièces froides : jambon et volailles principalement. Pour ne point rester seul sur le pont et aussi pour jouir du phénoménal appétit de mes compagnons je ne manquais pas de regagner ma place; mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir honte de ma sobriété qui pourtant devait plus tard m'être plus d'une fois utile.

Cependant à quatre heures et demi, la cloche appelle à un quatrième repas : le dîner; on s'y rend avec une sorte de componction car c'est le plus sérieux et le plus long de la journée. Je n'entreprendrai certainement pas de vous décrire tous les plats énormes d'oies, de canards, de volaille, de bœuf, de veau, de mouton que l'on voit successivement paraître et disparaître ; un service complet de pudding, de fruit-tarts et de pastries de toutes sortes succède à cette première avalanche de nourriture, etc. Á sept heures le dîner finissait et l'ont arrivait juste à temps pour admirer ces splendides couchers de soleil dont la mer rouge, à cette époque, a peut être le privilège. À huit heures les tables de la salle à manger se regarnissaient : c'était l'heure du thé et du grog et chacun se versait du wisky, du brandy ou du gin et que l'on ne manquait point d'assaisonner de quelques toasts and butter. Tel est, en résumé, l'historique d'une journée à bord."

 Page précédente (3)      Page suivante (5) 
créé par LusoDev                   Copyright ® 2007 - Dr. Jacques Le Sire - Tél. : +33 (0)6 89 30 06 07                     Infos légales | Liens